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<i class="fa fa-tag"></i> La Maison du Libre et des Communs <i class="fa fa-clock-o"></i> 18 mai 2019 :::warning Ce document est contributif. Pour l'éditer vous pouvez passer en mode édition : [**<i class="fa fa-edit fa-fw"></i>**](https://pad.lamyne.org/DWmIUalcRdSqlEO8ZfTb6w?edit)/[**<i class="fa fa-columns fa-fw"></i>**](https://pad.lamyne.org/DWmIUalcRdSqlEO8ZfTb6w?both) Si vous n'êtes pas à l'aise avec la syntaxe markdown, ce [tutoriel](https://pad.numerique-en-commun.fr/utiliser-codimd?view) est à votre disposition. ::: ###### Tags: `Université du Bien commun` `communs` `non-humains` `droits de la nature` # [Les communs au prisme des "droits de la nature"](http://frama.link/universite-commun-non-humains) <center> ![auteur et licence à préciser](https://hot-objects.liiib.re/pad-lamyne-org/uploads/upload_bffa8e0dd90222cb877e0de5ef5e511c.JPG) </center> :::warning La session, enregistrée, fera l'objet d'une émission sur Fréquence Paris Plurielle (106.3 FM). ::: ## 0- Avant propos Le 18 mai 2019, à la Maison du Libre et des Communs (Paris), l’Université du Bien commun propose d’interroger [les communs au prisme des "droits de la nature"](http://www.les-communs-dabord.org/wp-content/uploads/sites/18/2019/04/UBC-20190518_communs-et-non-humains.pdf), en présence de **Lionel Maurel**, **Alexandre Monnin**, avec la co-animation de **Sylvia Fredriksson** et **Nicolas Loubet**. :::info * **<i class="fa fa-calendar" aria-hidden="true"></i> ++Date++** : Samedi 18 mai 2019, de 15h à 18h30 * **<i class="fa fa-home" aria-hidden="true"></i> ++Lieu++** : MLC, 226 rue Saint-Denis, 75002 Paris * **<i class="fa fa-eur" aria-hidden="true"></i> ++Prix++** : Libre et gratuit - [Formulaire d'inscription](https://framaforms.org/universite-du-bien-commun-a-paris-ateliers-et-debats-1556008246) ::: ## 1- Introduction De la Nouvelle-Zélande à l’Inde, nous assistons ces dernières années à une multiplication des dynamiques visant à doter les forêts, rivières et montagnes de droits opposables devant les tribunaux pour les protéger face aux tentatives d’appropriation et d’exploitation abusives. En Bolivie ou en Equateur, ces « droits de la nature » sont inscrits depuis 10 ans déjà dans les constitutions, en lien avec la figure de la Terre Mère (Pacha Mama) et la notion de Buen Vivir (Bien Vivre). L’ampleur de ce mouvement dépasse les seuls pays du Sud, puisque plusieurs villes aux Etats-Unis ont d’ores et déjà adopté des régulations basées sur la reconnaissance des droits de la nature, en écho à des revendications formulées dès les années 70. Les finalités poursuivies par ce mouvement semblent proches de celles qui se trouvent au fondement des Communs et des luttes séculaires menées aux quatre coins du Globe contre les phénomènes « d’enclosure ». On peut songer aux mouvements agissant pour la reconnaissance de l’eau comme bien commun, à des initiatives visant à instituer des forêts ou des bassins versants comme des Communs ou aux combats des paysans pour la préservation des droits d’usage sur les semences traditionnelles. En France, le terme est récemment réapparu à Notre-Dame-des-Landes, dont les habitants ont revendiqué la qualité de « Laboratoire des Communs » pour légitimer la poursuite de l’occupation au-delà de l’abandon du projet d’aéroport. Une tentative est d’ailleurs toujours en cours pour racheter une partie des terres de la ZAD afin de les ériger en propriété collective et poursuivre la « pratique des Communs » sur ce territoire. La connexion avec les « droits de la nature » est ici évidente et elle s’exprime par exemple dans le célèbre mot d’ordre des Zadistes de Notre-Dame-des-Landes, qui en porte la trace : *« Nous ne défendons pas la Nature ; nous sommes la Nature qui se défend »*. Si le monde académique et la sphère militante se sont emparés des Communs pour porter de nombreuses revendications en matière d’écologie, les analyses croisant explicitement la thématique des Communs avec celle des « droits de la nature » sont encore assez rares, alors même que leur mise en relation fait surgir des questions importantes. Cette rencontre propose donc de mettre en perspective les théories des communs au prisme de l’émergence des « droits de la nature » et de débattre des leviers actionnables pour faire commun “avec” les êtres bio-physiques avec lesquels nous cohabitons. ## 2- Intervenant·es **Alexandre Monnin** Directeur Scientifique d’Origens Media Lab, Enseignant-Chercheur en école de management et Président de l’association Adrastia. Docteur en philosophie de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, sa thèse a porté sur la philosophie du Web. Sa recherche porte sur les enjeux ontologiques du Web et du Web sémantique, l’Anthropocène et la fin du numérique ou encore la question de la coopération et des communs. **Lionel Maurel** Juriste de formation et conservateur de bibliothèques, en poste à l’Institut National des Sciences Humaines et Sociales (INSHS) du CNRS, où il occupe les fonctions de directeur adjoint scientifique en charge des questions d’information scientifique et technique (IST). Auteur du blog S.I.Lex depuis 2009, il est spécialisé dans les questions de propriété intellectuelle et de droit du numérique. Ses champs de recherche couvrent la propriété intellectuelle (principalement le droit d’auteur), le droit de l’Internet et le droit de l’information, le droit de la culture, les licences libres et la culture libre, l’édition numérique, l’Open Access, l’Open Data, la protection des données personnelles et de la vie privée, la questions des Communs. Lionel Maurel est membre du Comité de la prospective de la CNIL, du Comité Scientifique et Technique du CCSD et du Comité pour la Science Ouverte. Co-fondateur du collectif SavoirsCom1 dédié aux politiques publiques des Communs de la connaissance, il est également membre fondateur de la Quadrature du Net, association de défense des libertés dans l’environnement numérique. **Sylvia Fredriksson** Designer et chercheur, ses travaux portent sur les relations entre design, technique et politique. Elle contribue aux travaux de plusieurs collectifs (SavoirCom1, Remix The Commons, Open Knowledge Foundation) entourant la question des communs. **Nicolas Loubet** Chercheur en géosciences de formation, autodidacte des pratiques numériques et actif dans des communautés contributives depuis 2009. Il est actuellement enseignant-chercheur et concepteur de programmes de recherche (DAISEE) pour la coopérative Oxamyne (Oxalis & La MYNE). Il a cofondé les sociétés Umaps, Bluenod et co-animé le média social Knowtex. ## 3- Enregistrement {%youtube LHlAV4LQiF8 %} {%youtube rl-oWAthEMk %} ## 4- Prise de notes La session commence par une présentation (rapide) de les travaux de l'[Université du Bien Commun](http://www.adequations.org/IMG/pdf/programme2019_Maison_du_libre_et_des_communs.pdf) (portée par un collectif à Paris), qui s'inscrit dans un réseau global d'universités. ### 4.1- ++Introduction - Écrire les communs. Éthique des fins, éthique des moyens++ :::info * **Présentation des intervenants** (10 min), **Présentation de la thématique générale** (5 min) : des communs aux "droits de la nature" et **Mise en contexte** (présentation de quelques cas et accueil d'éventuel questions de départ venant du public) : comment l'actualité met-elle en scène l'enjeu de représentation des non-humains ? ::: Sylvia prend le temps d'expliciter la genèse de cette rencontre. Elle donne à comprendre le rôle structurant de la pratique du blogging / l'écriture numérique pour lionel (https://scinfolex.com). Elle rappelle qu'Alexandre a demarré son parcours intellectuel avec une thèse sur la philosophie du web. Il est aujourd'hui chercheur à l'ESC Clermont & membre d'[Origens Medialab](http://origensmedialab.org). **Les communs sont un espace politique potentiel, ancré dans des *idéologies héritées***. ### 4.2- ++Partie 1 - Revisiter les théories des communs, mises en débat par l’Anthropocène et l’émergence des "droits de la nature++ :::info * **Question 1** : *Lionel et Alexandre, qu'est-ce qui vous a amené à appréhender la question des "droits de la nature" dans vos champs respectifs ? Pourquoi vous saisir de la théorie des communs comme un espace "potentiel" (de potentialités) ? Quelles sont les forces et les limites des théories des communs dont nous héritons pour penser les droits de la nature ? Quels en sont les implicites et les alternatives ?* * **Intervention de Lionel** (20 min) * **Passage de cette [vidéo](https://m.youtube.com/watch?v=wrs9cTLtta4)** (2 min) * **Intervention d'Alexandre** (20 min) * **Débat avec le public** (20 min) ::: ![Nicolas Loubet, CC-BY-SA 4.0](https://hot-objects.liiib.re/pad-lamyne-org/uploads/upload_e0665cbf3089e58c991f6cbd0041e864.jpg) ++Lionel++ * Porte d'entrée de Lionel dans les communs (un domaine vaste, avec plusieurs courants) : les communs de la connaissance, du numérique. Il s'inscrit dans l'école d'Elinor Ostrom. * "Gros choc" lors d'un colloque sur les Communs à Cerisy de 2017, avec [une intervention de Ferhat Taylan](https://www.franceculture.fr/conferences/maison-de-la-recherche-en-sciences-humaines/milieux-communs) sur la reconnaisance juridique de la rivière Whanganui en Nouvelle Zélande. L'introduction des non-humains dans les communs bouleverse la théorie des communs. * Quels sont les éléments dans "la" théorie des communs qui permettent de considérer les non humains ? Et quels sont les éléments qui l'empêchent (cf. cette [série d'articles](https://scinfolex.com/tag/non-humains)). ++Alexandre++ * Préoccupation : faire atterrir diverses choses (e.g. les organisations) dans l'Anthropocène. * Le terme de ressource est problématique, car cela renvoie à un monde *extractiviste*. * Est-ce qu'il ne faut pas faire atterrir les communs ? L'idée de nature est à déconstruire. ++Lionel++ * Plusieurs écoles de pensée dans les communs (bien commun, biens communs, communs, bien-vivre, etc.). Les communs constituent aujourd'hui une notion largement appropriée par le monde académique en France.Cf. [Dictionaire des biens communs paru aux PUF en 2017](https://www.puf.com/content/Dictionnaire_des_biens_communs) * Sa porte d'entrée : Elinor Ostrom ("Prix Nobel" d'économie en 2009), qui se situe entre la science politique et l'économie, (re)connue pour avoir relativisé - avec beaucoup de terrain - la "thèse" de Garrett Hardin (à l'origine de la notion de "tragédie des communs"). * Ostrom a basé ses recherches sur des études de terrain (forêts, pêcheries, etc). La gestion d'une ressource est possible en communauté si certaines conditions sont réunies (notamment la détermination de règles par les communautés directement concernées). * Son grand livre est *Governing The Commons* (la gouvernance des biens communs). De cet ouvrage dérive la définition "canonique" des communs sous la forme du "tryptique" ressource-communauté-règles. Mais le fait est que c'est UNE certaine ontologie des communs. Dans cette vision, il y a une ressource (un "objet passif") ET des humains (des acteurs qui ont un *pouvoir d'agir* qui va s'exprimer par l'établissement de règles). * Chez Ostrom, il y a un incontestable souci écologique. Mais son héritage intellectuel (sur et autour des communs) repose sur une division ontologique (entre humains et non humains). ++Alexandre++ * En philosophie, la métaphysique (introduite par Aristote) décrit une réflexion sur le "ce qui est / existe" (au delà de ce qui est appréhendé par les différentes disciplines scientifiques). * La notion d'ontologie a émergé au XVIe siècle (2000 ans après la métaphysique). L'ontologie designe "ce qui existe sous la forme d'un objet". Jusqu'au XIX-XXe, le subjectif = le sujet (concret) et l'objectif = l'objet dans l'esprit. Aujourd'hui, c'est le contraire. Le subjectif renvoie à des représentations, des affects, et l'objectif est ce qui est validé par une démarche nécessitant des instruments/une communauté (au-delà de la perception). * La distinction entre humains et non humains vient (notamment) de Latour & al. (avec la "théorie de l'acteur-réseau", conçue dans les années 1980). Le but est de ne pas entretenir une partition du monde, de récuser le dualisme société-nature. Les humains sont tramés par les non-humains, et réciproquement. La proposition est d'étudier ces hybridations. * La pensée paraît fonctionner sur des catégories dont il est difficile de s'abstraire. Ex : la dichotomie "Homme/Femme" est formulée de façon discrète, mais dans la réalité (biologique), ça n'est pas aussi marqué, avec des catégories qui se superposent, des continuités. Il faut restituer la "réalité des choses" par delà notre manière de l'appréhender. * En dehors des objets manufacturés, il n'y *pas* d'objets. On donne aux objets (par définition / construction) des bords précis. Or, les choses n'ont pas de bords précis, tout est tramé de façon relationnelle. Pour maintenir le objets, il faut un travail (cf. réparaton, maintenance // Repair Studies). L'objet a besoin qu'on défende en permanence ses *bords*. On a discrétisé le monde pour la production indutrielle d'objets. Mais le monde, *n'est pas* comme cela. ++Lionel++ * Ontologie dualiste (dominante en Occident) vs ontologie relationnelle. Dans une ontologie relationnelle, les entités sont d'abord constituées par les relations qui les unissent. * L'individu incarne la séparation. La "personne" est intrinsèquement faite de relations. * La théorie des communs peut être refondée/réécrite sur une ontologie relationnelle. <center> ![source: https://scinfolex.com/2019/01/10/communs-non-humains-1ere-partie-oublier-les-ressources-pour-ancrer-les-communs-dans-une-communaute-biotique/](https://scinfolex.files.wordpress.com/2019/01/ostrom.png) </center> * Ostrom a essayé de dépasser le dualisme. Mais confrontée à la complexité, elle a du en passer par des simplications, Le "modèle IAD" (Institutional Analysis Development) a été pensé pour rendre compte de processus itératifs de mise en commun de ressources (CPR : Common-Pool Resources), le but étant d'aboutir à des règles qui permettent de préserver la ressource de la surexploitation. Dans ce modèle, les non humains sont "empactés" dans la case "conditions matérielles biophysique". Ce modèle exprime une ontologie dualiste. Dans la théorie de l'acteur-réseau, il y a souci de *garantir la symétrie* (des concepts). <center> ![source: https://scinfolex.com/2019/01/10/communs-non-humains-1ere-partie-oublier-les-ressources-pour-ancrer-les-communs-dans-une-communaute-biotique/](https://scinfolex.files.wordpress.com/2019/01/ostrom1.png) </center> * Sur la fin de sa vie, Ostrom a adopté le modèle dit des "systèmes socio-écologiques" (SSE), pour associer des scientifiques de plusieurs disciplines (naturelles et sociales). * Cette approche traduit une certaine évolution dans l'appréhension des Non-Humains : par exemple, le lieu devient alors *acteur*. Mais tous les éléments essentiels à la prévervation de la ressource renvoient à l'intervention des humains. Mais il y a encore séparation ! ++Alexandre++ * Conserver son individualité - y compris pour les humains -, cela demande un travail. * L'innovation renvoie aux disciplines du management, du design (...). Ce sont justement ces disciplines qui ont "perdu le monde". Il faut faire attérir ces disciplines scientifiques. * Attention au biais foklorisant "occident / le reste du monde". Arturo Escobar, par exemple, s'appuie autant sur une diversité d'ontologies, certaines renvoyant à des pratiques du monde (pas uniquement des 'représentations du monde') et des penseurs comme Deleuze. * Besoin de s'intéresser aux ontologies du droit (plurielles - droit romain, droit médiéval...). * Quel usage du monde se permettre dans l'Anthropocène ? Quand on parle de ressources, on a un "élément" qui ne permet pas de faire monde. Le monde n'est *pas* composé de ressources (on a testé 250 ans...). Besoin d'autres ontologies, pour d'autres usages. * Le monde du design, de la gestion a tenu à peu près 2 siècles (dans le monde). La question devant nous : comment on bascule... avec le droit dont on hérite ? Que peut-on faire ? ++Lionel++ * Il *faudrait* supprimer la notion de ressource de la théorie des communs car il y a un *danger* à la conserver. Un des moyens est de faire entrer les non humains dans la *communauté*. On peut utiliser le concept de "communauté biotique" (cf. Aldo Léopold). Les non-humains sont alors ré-intégrés dans une arêne (bio)politique ; cela oblige à refonder les *institutions*. * Bruno Latour (dans son ouvrage *Nous n'avons jamais été modernes*) démontre que le programme de la modernité a été une illusion, un grand "récit". Dans la réalité, *tout* est fait de collectifs hybrides. Il existe d'un côté des processus de "médiation" ou de "traduction" qui assemblent des collectifs d'humains et de non-humains, et de l'autre, il y a des processus de "purification" qui nous re-séparent des non-humains. Ce qu'Ostrom étudie (CPR) *sont* des collectifs hybridant humains & non-humains, et sa théorie joue un rôle de "purification" en ne prenant pas en compte les ontologies relationnelles de ces collectifs. * Il y a donc aujourd'hui un *malaise ontologique* dans la théorie des Communs, du fait de notre héritage des notions sur lesquelles s'appuie Ostrom. Soit nous règlons ce problème à la racine.. soit nous risquons d'aller *nulle part*. Il y a un vrai travail intellectuel à faire. ++Alexandre++ * La nature n'est *pas* une ressource... mais on hérite de 250 de *pensée* du globe comme ressource. Il ne suffit pas de supprimer le mot qui renvoie à des pratiques du monde. * Avec l'innovation, le "possible est à forcer". On demeure dans une pensée extractiviste. On arrive pas à faire monde avec ce type de représentations et (surtout) de pratiques. * Le monde que nous habitons (qui le rend visible pour moi) a été synthétisé par les plantes. * Le concept de ressource n'est pas pour prendre ce dont on a besoin. Le terme de ressource est né d'une écologie politique qui rend légitime de s'accaparer massivement de la matière. ++Lionel++ * La notion de *ressource* est inséparable du système de production (NB : dans *Où atterrir*, Bruno Latour propose de distinguer *système de production* et *système d'engendrement*). * Dans une "communauté biotique", les non-humains sont considérés comme des *membres* à part entière, ce qui ouvre la voie à la reconnaissance de droits à leur profit. **Le concept de ++ressource++ pourrait (peut-être) être dépassé par la notion de ++milieu++**. ### 4.2- ++Partie 2 - Les communs en action(s) vers de nouveaux agencements socio-écologiques++ :::info * **Question 2** : **La propriété :** *Comment revisiter les formes de propriété consubstantielles aux dynamiques d’appropriation de la nature ?* (Lionel) * **Question 3** : **Les institutions :** *De quelles institutions avons-nous besoin pour accueillir ces approches des communs ? Quelles sont les formes institutionnelles compatibles avec ces nouvelles ontologies relationnelles ?* (Alexandre & Lionel) * **Question 4** : **Le droit :** *De quel "Droit" parle-t-on ? Quelle(s) implantation(s) des droits des non-humains dans nos systèmes juridiques ?* (Alexandre & Lionel) ::: ++Lionel++ * Le droit occidental, et le droit français en particulier, constitue un vecteur d'assymétrie : la qualité de *personne* est réservée aux humains (personne physique) ou aux groupements d'humains (personnes morales). Le reste (tous les non-humains), sont des *choses*. Seuls les personnes sont des sujets de droits, les choses sont à l'inverse des objets de droits. * En Nouvelle-Zélande, une loi a reconnu en 2017 la personnalité juridique à une rivière. * Mais en réalité, le legislateur néo-zélandais n'a pas donné la personnalité juridique à la rivière elle-même (au sens physique ou géographique). Il a instauré une entité (qui a un autre nom : Te awa Tupua), exprimant l'insépérabilité entre les éléments biophysiques et certaines communautés humaines habitant sur le territoire où coule la rivière (2 tribus maori, ne voulant pas être propriétaires - les terres ont été d'aillers sorties du droit de propriété). La loi a mis en place des mécanismes pour reconnaitre *un milieu commun*. Un mécanisme de représentation a été institué avec un représentant désigné par les communautés Maori et un autre désigné par l'Etat néo-zélandais. * Droit de propriété asymétrique (droit de jouir des choses de la "façon la plus absolue"). * Les communs, historiquement, sont venus limiter le droit de propriété ("droit à la vie"). ++Alexandre++ * Aristote distingue "ce qui est", "les objets dans l'action", les "ressources" (pas au sens industriel). Notion de "Chremata". Proximité de vocabulaire, différences de *pratiques*. * L'Équateur a donné des droits à des entités dans une optique opérationnelle (pour garantir une opposabilité à des transformations). En Bolivie, il y a eu un processus d'émergence de la Pacha Mama dans la Constitution ("diplomatie ontologique"). Il y a eu création d'une entité ("super sujet"), avec une pluralité de visions, pour négocier les *attributs* de l'entité. * Le droit étant gérité du colonisateur, les fictions juridiques permettent de (re)négocier les ontologies. cf. l'enregistrement [Le Droit en tant que commun négatif](http://notesondesign.org/wp-content/uploads/2019/05/18_mai_0001_Monnin_communs_negatifs.mp3) (Alexandre Monnin) ++Lionel++ * Chez Arturo Escobar, on retrouve la notion de [Design pluriversel](http://notesondesign.org/wp-content/uploads/2019/05/18_mai_0002_Maurel_pluriversel.mp3) (qui rend possible un agencement d'ontologies) Le droit est perçu / rend possible un compromis de visions. * Dans le cas de NDDL, il y a précisément conflit d'ontologies (en négociation....) * A la ZAD, il y a une communauté d'usages (où on peut rentrer +/- ouvertement) * Transposer à l'identique ce qui s'est fait en Bolivie ou en Nouvelle-Zélande parait compliqué, voire impossible en France, car nous n'avons pas les mêmes cosmogonies. * Mais des analogies semblent néanmoins possibles. Par exemple, sur la commune de Naples, a été mise en place une institution "Eau Bien commun" (Acqua Bene Comuni), dans la perspective de remunicipaliser la gestion de l'eau et de faire participer différentes parties prenantes à la gouvernance. C'est une forme de *[Parlement de l'eau](18_mai_0004_Maurel_parlement_des_choses)*, pas tellement éloigné du dispositif néo-zélandais autour de la rivière Wanghanui. ++Alexandre++ * Nous allons hériter sur les prochaines années & décennies, partout sur Terre, d'un certain nombre de *communs négatifs* (rivières polluées, centrales nucléaires, villes tentaculaires...) * On a beaucoup pensé les non-humains en tant qu'être vivants. Dans la constitution bolivienne, il a été discuté d'intégrer les artefacts (et au-delà la technosphère, qui "pèse"). * Questions fondamentales : Où atterrir ? [Comment atterrir ?](http://notesondesign.org/wp-content/uploads/2019/05/18_mai_0006_Monnin_Conclusion_atterir.mp3) (on hérite de la gestion en Occident, on doit donner une redirection) Quand atterrir & avec quel rythme ? Avec qui on atterrit ? (les cadres sont profondément transformés par les migrations par exemple). ++Lionel++ * L'enjeu n'est pas de "sauver la théorie des Communs pour elle-même. Mais dans les communs, il importe de sauver le principe de *démocratie radicale*, à savoir l'idée que les personnes directement concernées par une question, une situation, etc. sont les mieux placées pour trouver la réponse et qu'on doit leur reconnaître à cette fin un *pouvoir d'agir*. ++Alexandre++ * Les communs donnent un exemple de démocratie radicale. À mettre au premier plan ! Surtout alors que des tendances à l'écofascisme commencent à se développer. **Attention à ne pas opposer les droits naturels et les droits cuturels**. Ce qui est à défendre, ce sont d'abord des *milieux de vie* (e.g. l'agriculture paysanne, la culture des bergers, etc.) ++Lionel++ * Le tribunal colombien qui a reconnu des droits à une portion de l'Amazone a reconnu un *milieu de vie* (les populations autochtones ont revendiqué des [droits bio-culturels](http://notesondesign.org/wp-content/uploads/2019/05/18_mai_0008_Conclusion_Lionel.mp3). * Une typologie des pistes pour donner des droits à la Nature pourrait être (1) L'approche globale (e.g Pacha Mama en Bolivie ou en Equateur) (2) des approches médiales (e.g. donner des droits à un mileu de vie, comme une rivière) (3) des approches individualistes (e.g. donner des droits à des animaux). L'approche médiale est peut-être celle qui permet le mieux d'instituer et de protéger des relations entre humains et non-humains. * Le grand enjeu qui se présente devant nous est de **reconnaitre les relations dans le droit** (pour en *prendre soin*). Mais notre droit occidental est très mal outillé pour le faire. * La juriste Sarah Vanuxem travaille sur le droit d'habiter (les lieux) ; elle le fait à partir d'éléments de la tradition occidentale, en montrant que d'autres lectures du droit existant sont possibles. Nous avons "oublié" comment faire. Elle parle de communs (*traditionnels*). ++Lionel++ * Anna Tsing - de passage à la Gaité Lyrique (à Paris) le 28 mai - introduit le notion de *communs latents* pour décrire les liens d'interdépendance humains & non-humains. "Activer ces liens" pourrait être moteur d'une mobilisation politique (cf. Extinction Rebellion) * Problème : nous ne sommmes pas outillés pour voir et prendre conscience de nos liens d'interdépendance ! L'ontologie dualiste dans laquelle nous baignons dissimule ces relations que nous devons faire réapparaître par des processus d'enquête. * Pour Anna Tsing, [il est très dur de traduire les liens d'interdépendance en institutions](http://notesondesign.org/wp-content/uploads/2019/05/18_mai_0010_communs_latents.mp3), car le processus d'institutionnalisation risque (toujours) de trahir les enchevêtrements d'humains et de non-humains. Sarah Vanuxem partage ce doute sur les mécanismes de "représentation" des non-humains par des humains. Elle cherche à reconnaître des droits aux choses elles-mêmes, sans passer par le détour de la personnification / représentation. ## 5- Références ### ++Vidéos++ - [Définition des Communs par Benjamin Coriat](https://wiki.remixthecommons.org/index.php/D%C3%A9finition_des_communs_selon_Benjamin_Coriat) - [La personnalité juridique de la rivière Whanganui](https://m.youtube.com/watch?v=wrs9cTLtta4) - [L'invention du concept de Nature](https://m.youtube.com/watch?v=SWaB7bI3MF0) (Philippe Descola) - La [Toile de la Vie](https://www.arte.tv/fr/videos/075786-008-A/une-espece-a-part-dans-la-toile-de-la-vie), [Humains et non-humains](https://www.arte.tv/fr/videos/075786-009-A/une-espece-a-part-jusqu-au-fond-de-son-etre) - Les Communs latents, par Anna Tsing [à ajouter] - [Les droits de la Terre-Mère (Diego Landivar)](https://www.youtube.com/watch?v=T-ZnXT03bZk) - [Théorie des milieux](http://notesondesign.org/wp-content/uploads/2019/05/18_mai_0007_Victor_Petit_Milieu.mp3), intervention de Victor Petit ### ++Ouvrages++ - [Le contrat Naturel (Michel Serres)](https://www.babelio.com/livres/Serres-Le-contrat-naturel/32030) - [Comment pensent les forêts (Eduardo Kohn)](http://www.zones-sensibles.org/eduardo-kohn-comment-pensent-les-forets/) - [La vie des plantes (Emmanuelle Coccia )](https://www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/la-vie-des-plantes-par-emanuele-coccia) - [Augustin Berque (cCo-construction du milieu)](https://fr.wikipedia.org/wiki/Augustin_Berque) - [La propriété de la terre (Sarah Vanuxem)](http://lamanufacturedidees.org/2018/03/06/sapproprier-la-terre/) - [Le champignon de la fin du monde (Anna Tsing)](https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_champignon_de_la_fin_du_monde-9782359251364.html) ### ++Articles++ - [Reconfigurations ontologiques dans les nouvelles constitutions politiques andines. Une analyse anthropologique (D. Landivar et E. Ramillien)](https://tsantsa.ch/content/2-archiv/4-ausgabe-20/1-inhalt-20-2015/1-dossier/4-reconfigurations-ontologiques-dans-les-nouvelles-constitutions-politiques-andines/4_landivar_ramillien.pdf) - [Savoirs autochtones, « nature-sujet » et gouvernance environnementale : une analyse des reconfigurations du droit et de la politique en Bolivie et en Équateur (D. Landivar et E. Ramillien)](https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=AUTR_081_0135) --- :::danger La licence juridique de ce document doit être encore arrêtée par ses co-auteur·es. :::